Laurie LARVENT

Docteur en histoire contemporaine,

diplômé de l’EPHE, chargé de cours à la Faculté Libre des Lettres et Sciences Humaines de Lille, étudie les mouvements millénaristes, particulièrement ceux issus du russellisme.

Sa thèse de doctorat portait sur le Mouvement missionnaire intérieur laïque - MMIL en France.

https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=auteurs&obj=artiste&no=29498

 

Les travaux universitaires de Laurie Larvent sont précieux à plus d'un titre. En effet, ils mettent en lumière les tout débuts du mouvement des Témoins de Jéhovah.

 

Cet historien a surtout travaillé sur le Mouvement Missionnaire Intérieur Laïque (MMIL), fondé aux États-Unis en 1918 par Paul Samuel Léo Johnson. Ce groupe religieux est issu des Étudiants de la Bible de Charles Taze Russell dont la mort provoqua la naissance de différents mouvements qui ont en commun d’être chrétiens unitariens, c'est à dire rejetant le dogme de la Trinité. Le plus connu et aussi le plus important numériquement des mouvements issus des Étudiants de la Bible est l'association des Témoins de Jéhovah.

 

L'objectif du Mouvement Missionnaire Interieur Laïque - MMIL est double : la défense de la doctrine de la parousie de Russell puis la diffusion de la doctrine de l'épiphanie de Johnson. Implanté dans une vingtaine d’États, il reste cependant un mouvement ultra-minoritaire, ne rassemblant que quelques milliers de personnes dans le monde, quelques dizaines en France.

 

L’œuvre religieuse de Charles Taze Russell est toujours vivante aujourd’hui. A sa mort, des dissensions doctrinales ont vu le jour. Avec l'élection en 1918 du successeur de Charles Russell à la tête de l'association La Tour de Garde, Joseph Rutherford, Paul Johnson a quitté le mouvement des Étudiants de la Bible fondé par Russell et a créé son propre mouvement religieux, le MMIL.

 

En 1931, Joseph Rutheford a proposé le changement de nom des Étudiants de la Bible en celui de Témoins de Jéhovah. Toutes les assemblées locales du monde entier ont accepté par un vote formel de leurs membres ce changement de nom. Mais ce changement de nom n'a pas marqué la fondation d’un nouveau mouvement.

 

Les Étudiants de la Bible sont toujours les Témoins de Jéhovah d’aujourd’hui, ce qui n’exclut évidemment pas que d’autres peuvent revendiquer ce même héritage. Pourquoi ? Entre autres raisons, la filiation entre les différents présidents de l'association La Tour de Garde, fondée par Charles Russell lui-même.

 

Cette filiation n'a en effet jamais été rompue. Charles Russell n’était pas hostile à Joseph Rutherford qui lui était un collaborateur précieux au plan juridique. Nathan Knorr, le troisième président de La Tour de Garde a travaillé au coté de Joseph Rutherford. Quant au dernier ‘grand président’ de La Tour de Garde, Frédérik Franz, il avait connu et étroitement collaboré avec les trois premiers.

 

Dès lors, il apparaît comme logique que les Témoins de Jéhovah considèrent Charles Russell, fondateur de l'association La Tour de Garde, comme étant le fondateur de leur mouvement qui dirige toujours l'association La Tour de Garde.

 

D'ailleurs, les Témoins de Jéhovah ont beaucoup de respect pour le Pasteur Russell et reconnaissent son action décisive dans la recherche d’une vérité biblique. Les Témoins ont beaucoup publié sur leur histoire et dans ce cadre, ils n’omettent jamais de parler avec affection du Pasteur Russell.

 

Les Témoins de Jéhovah ont gardé beaucoup de l’enseignement de Charles Russell et surtout l’essentiel, le rejet de la Trinité pour l’unitarisme (un Dieu un, non trin), qui est une croyance fondamentale du christianisme primitif. D’ailleurs, la croyance en un Dieu un a attiré beaucoup de souffrances à tous les chrétiens qui l’ont professée, comme Michel Servet brûlé vif par Calvin en 1553 pour avoir soutenu ce point de vue. Charles Russell lui-même a été très attaqué sur ce point doctrinal clé. Jusqu’à ce jour, le fait que les Témoins de Jéhovah soutiennent ce point de théologie unitarien leur attirent le rejet par les grandes confessions chrétiennes qualifiant le dogme de la Trinité comme la caractéristique la plus importante du christianisme, au point de rejeter les Témoins de Jéhovah comme ‘hérétiques’ (le mot grec rendu par ‘secte’ dérive du mot ‘hérésie’).

 

De même, les Témoins de Jéhovah ont gardé, au moins en partie, la notion de ‘salut universel’. En effet, ils ne disent pas que seuls les Témoins de Jéhovah seront sauvés. Ils affirment par exemple que des milliards de personnes seront ressuscitées et auront la chance de vivre éternellement dans le monde nouveau qu’ils prêchent, à savoir la planète Terre mais transformée en un paradis après la bataille d’Harmaguédon, la guerre de Dieu contre les humains qui s’opposent au royaume de son fils Jésus-Christ.

 

Le Pasteur Russell avait fait en sorte que des ‘anciens’ (grec presbuteroï) dirigent les ecclésias (assemblées locales) conformément par ailleurs au modèle du christianisme primitif. Dans les années 1970, les Témoins de Jéhovah ont pris conscience qu’ils s’étaient éloignés de ce modèle alors qu’ils revendiquaient et revendiquent toujours de calquer le christianisme tel qu’il avait été fondé par Jésus-Christ et les apôtres. Depuis, des ‘anciens’ dirigent de nouveau leurs assemblées locales, comme Charles Russell l'avait rétabli dans les ecclésias des Étudiants de la Bible.

 

Le Mouvement Missionnaire Intérieur Laïque - MMIL et les Témoins de Jéhovah ainsi que d’autres groupements religieux minoritaires, sont tous membres de la même famille chrétienne unitarienne. Reconnaître ce point qui est fondamental, peut permettre au moins une compréhension mutuelle et de s’inscrire dans l’esprit de tolérance et de bienveillance du Pasteur Charles Russell. Dans cette optique, les recherches de Laurie Larvent sont essentielles.