JEAN BAUBÉROT

Jean BAUBÉROT (1941)

Histoire et sociologie du Protestantisme

Docteur en Histoire,

Docteur en Lettres Sciences humaines, Paris IV-Sorbonne,

Docteur honoris causa de l’Université de Bruxelles,

Président d’honneur de l’EPHE,

titulaire des chaires « Histoire et sociologie du protestantisme » et « Histoire et sociologie de la laïcité »,

fondateur du GSRL en 1995

https://www.gsrl-cnrs.fr/2-bauberot-jean/

Historien et sociologue, Jean Baubérot travaille sur la mise en perspective sociologique de la laïcité, les relations entre État, religions et convictions, la liberté de conscience, la laïcité et la diversité religieuse, les différentes « affaires » concernant la laïcité en France, l’histoire et la sociologie du protestantisme.

 

Dans son Histoire du Protestantisme (Presses Universitaires de France - ISBN 2 13 045857 2), Jean Baubérot explique (Ch.1 - Réforme et Protestantisme) que dès le départ, le protestantisme est une réalité multiforme. Ce mouvement est né de la mise en cause radicale de l'autorité ecclésiastique, au nom de trois folies spirituelles : "Dieu seul", l’Écriture seule", "la grâce seule", "Dieu seul, sans aucun médiateur que son Fils Jésus-Christ." Pour Calvin, il n'existe seulement que quatre ministères : pasteur, docteur, ancien, diacre. L'autorité provient seulement de la fonction. Calvin ne reconnait que deux sacrements : La Cène et le Baptême.

 

Dans son chapitre 2 (La formation du Protestantisme), Jean Baubérot constate qu'avec la Réforme, c'est la première fois qu'une hérésie n'est pas étouffée, qu'elle réussit. La figure du pasteur émerge. Ulrich Zwingli (1484-1531) remplace la messe par un culte dominical centré sur la prédication, rejette le port d'armes et le baptême des enfants. Calvin se radicalise et instaure une théocratie rigide à Genève. Il devient lui-même un persécuteur, chasse Sébastien Castellion (1515-1563), et exécute par le bûcher en 1553 Michel Servet (1511-1553) qui avait nié le sacro-saint dogme de la Trinité. La Réforme a gagné (mais à quel prix) et se structure à son tour. La Confession de la Rochelle réaffirme la Trinité. Des collèges d'anciens sont installé dans les communautés locales, et des synodes (séances de réunions des anciens) au niveau régional ou national permettent une coordination entre les différentes Églises réformées.

 

Pour Jean Baubérot, il existe un rapport entre protestantisme et tolérance (Ch.3 - La modernité protestante). John Milton (1608-1674), auteur du Paradis perdu, affirme que la Bible met des limites à la soumission politique. Au XVIe siècle, on croit le retour du Christ proche puis le millénium s'installer et les sermons prêchent que l'on peut hâter sa venue. Des congrégations locales se forment en petites communautés chaudes dans lesquelles l'entraide fraternelle est forte. En 1620, des puritains congrégationalistes voyagent à bord du Mayflower et s'installent en Amérique.

 

L’Église catholique contre-attaque et des troubles s'installent partout. L'Inquisition écrase les Vaudois qui professent une théologie antitrinitaire, à l'instar de Michel Servet. Désormais ennemis jurés, Protestants et Catholiques s'entendent néanmoins sur un point : la croyance en la Trinité comme base non discutable du christianisme. Tous ceux qui la rejettent sont des hérétiques qu'il faut marginaliser, voire détruire. Les Protestants pourtant sont eux-mêmes, dans le même temps, cruellement persécutés par les Catholiques.

 

Dans son chapitre 5 "Des Lumières au Réveils", Jean Baubérot dépeint aussi l'enracinement des Lumières dans un autre courant qui va de l'Humanisme d’Érasme jusqu'à l'antitrinitarisme de Socin (1539-1604). A partir du XVIIIe siècle, des philosophes témoignent leur sympathie pour l'unitarisme (l'affirmation d'un Dieu unique non trinitaire). Dans l'Amérique anglaise commence le "Grand Réveil". Joseph Priestley (1733-1804), comme unitarien, rejette ouvertement la doctrine de la Trinité. Le magazine religieux se développe. Des prédicateurs itinérants prêchent avec ferveur et autorité. Les "réveillés", souvent des congrégationalistes ou des presbytériens, s'habillent de noir, reprenant la sobriété puritaine. A partir de 1820, se créent des communautés de "Frères". Elles veulent retrouver un sacerdoce universel et la simplicité de l’Église primitive. Au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, le "deuxième Réveil" se propage. Des Églises proprement américaines surgissent, tel que les Adventistes de William Miller (1782-1849).

 

Le protestantisme contemporain (Ch.6) fondent des Sociétés missionnaires au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle. Au XXe siècle, l'Amérique latine est touchée par une première vague presbytérienne et congrégationaliste puis une seconde pentecôtiste. En 1938, l’Église Réformée de France est fondée. La réflexion théologique insiste sur l'espérance du Royaume de Dieu. Wilfred Monot (1867-1943) soutient l'idée d'un renouvellement des temps dont les chrétiens peuvent hâter ou retarder l’avènement par leur action. A l'arrivée au pouvoir d'Hitler, des opposants qui refuse la contamination du protestantisme par le national-socialisme se regroupent autour du pasteur luthérien Martin Niemöller (1892-1984). " Mais l'opposition au nazisme est aussi le fait de gens théologiquement et religieusement très divers. Ainsi près d'un tiers des Témoins de Jéhovah allemands (dissidence de l'adventisme) meurent en camps de concentration." (p.118).

 

Tout 'tolérant' qu'il est, le protestantisme a ses limites. Le Conseil Œcuménique des Églises - COE, rejette toujours l'unitarisme (la négation de la Trinité et l'affirmation de Dieu unique) (p.119). Dans sa conclusion, Jean Baubérot revient sur ce point. Si la Réforme a voulu retrouver la pureté des origines du christianisme en le débarrassant des scories qui s'y seraient ajoutées de façon indue, le mouvement s'est perdu en chemin. Ceux qui voulaient aller plus loin, et surtout ceux qui voulaient revenir à la croyance primitive dans un seul vrai Dieu et nier la Trinité, ont été marginalisés et combattus par le protestantisme dominant. Jean Baubérot les considère cependant comme des protestants "car ils constituent une composante du vaste mouvement qui veut purifier (et donc trier au lieu de globaliser), atteindre l'impossible retour à la pureté des origines." (p.123). Pour lui, le travail de tri, de purification doit continuer ou être repris. La lecture de la Bible peut permettre de s'approprier la notion de "peuple élu" lié au messianisme. L'organisation des Églises protestantes a eu des effets multiples, décrits par Max Weber (1864-1920).